Sécuriser vos forfaits annuels en jours : c’est possible !
Author : Maître Mathilde SCHOELER et Maître Audrey NIGON
Published on :
05/10/2023
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L’article L.3121-64 du Code du travail précise que l’accord collectif instaurant le forfait annuel en jours doit notamment prévoir « Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ».
→ Par trois arrêts du 5 juillet 2023 1 , la Cour de cassation renforce ses exigences en matière de suivi effectif et régulier de la charge de travail en vue de parvenir à l’objectif de protection de la santé des salariés.
Ces décisions sont particulièrement intéressantes car elles révèlent les insuffisances rédactionnelles des accords collectifs n'ayant pas intégré cette dimension de suivi effectif et régulier de la charge de travail.
Cette fois en effet, ce sont les dispositions conventionnelles du forfait annuel en jours des accords collectifs du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire d'une part, du commerce et de la réparation de l'automobile d'autre part et, enfin, celles du bâtiment (ETAM) qui sont passées au crible de l’examen de la Cour de cassation.
Dans l'arrêt concernant les dispositions de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire 2 , le dispositif conventionnel de forfait jours rappelait :
- les 11 heures consécutives de repos quotidien et les 35 heures consécutives de repos hebdomadaire ;
- l'établissement d'un document récapitulatif qui doit notamment faire apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de réduction du temps de travail ;
- la tenue d’un entretien avec le supérieur hiérarchique, au cours duquel devaient être évoquées l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail en résultant.
Les dispositions conventionnelles de l'automobile précisaient quant à elles 3 :
- que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié ;
- que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail ;
- la mise en place d’un système auto-déclaratif par lequel les salariés devaient renseigner un document de suivi du forfait lequel faisait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés ;
- la tenue d’un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique permettant de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en œuvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée.
La troisième espèce est particulièrement intéressante dans la mesure où les dispositions de la CCN du bâtiment (ETAM) ont été jugées suffisantes pour veiller au risque de surcharge de travail du salarié et y remédier en temps utile. Or, celles-ci prévoyaient les dispositions suivantes :
- l'organisation du travail des salariés doit faire l'objet d'un suivi régulier par la hiérarchie qui doit veiller notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées minimales de repos ;
- l'employeur, ou le salarié sous sa responsabilité, doit tenir un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés (en précisant la qualification du repos : hebdomadaire, congés payés, etc.) ;
- ce document individuel de suivi doit permettre un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l'ensemble des jours de repos dans le courant de l'exercice.
→ Comment sécuriser le forfait annuel en jours ?
Ces arrêts sont riches d’enseignement car il nous donne des clés pour sécuriser les dispositifs de forfait annuel en jours et mettre en place des outils de suivi effectif de la charge de travail.
En voici quelques-unes :
- Instaurer des points réguliers avec la direction sur la base du document individuel de suivi tenu par l’employeur ou par le salarié afin de s’assurer notamment que le salarié prend ses jours de repos au fur et à mesure de l’exercice ;
- Mettre en place un dispositif permettant aux salariés d’alerter leurs employeurs en cas de difficulté inhabituelle sur ces aspects d’organisation et de charge de travail ;
- Instaurer des relevés mensuels permettant de suivre le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ainsi que le nombre et la date des journées ou demi-journées de repos effectivement prises au cours du mois (repos hebdomadaire, congés payés, repos supplémentaires…).
- Assurer l’effectivité du droit à la déconnexion : coupure du serveur, envoi d’une alerte à un salarié lorsqu’il effectue des connexions en dehors de son temps de travail, ajout d’un mot de rappel à la signature des courriels…
- Rappeler au salarié qu’il doit disposer, a minima, d’un repos quotidien de 11h00 consécutives et d’un repos hebdomadaire de 35h00 consécutives.
L'enjeu, au-delà des risques financiers qui peuvent s’avérer coûteux pour l’entreprise, est également celui de la santé, de la sécurité de vos salariés au travail.
La sécurisation du recours au forfait annuel en jours est indispensable ! Elle est, certes, contraignante mais reste possible, ne vous découragez pas !
Le cabinet AGUERA AVOCATS vous accompagne pour :
- Vérifier la conformité de vos accords collectifs sur le forfait annuel en jours ;
- Rédiger vos conventions individuelles de forfait annuel en jours ;
- Mettre en place des modalités de suivi de vos forfaits annuels en jours
1 Cass. Soc. 5 juillet 2023 n°21-23.387 ; Cass. Soc. 5 juillet 2023 n°21-23.222 et Cass. Soc. 5 juillet 2023 n°2123.294).
2 Cass. Soc. 5 juillet 2023 n°21-23.387
3 Cass. Soc. 5 juillet 2023 n°21-23.222
Article corédigé par Maître Mathilde SCHOELER et Maître Audrey NIGON
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