Consultation sur les orientations stratégiques : enfin de la jurisprudence !
La consultation sur les orientations stratégiques a constitué un apport important d’une loi déjà ancienne (loi de sécurisation de l’emploi du 24 juin 2013). Cette loi a ajouté à la traditionnelle consultation sur l’examen annuel des comptes et des comptes prévisionnels, scindée depuis lors entre les deux consultations sur la situation économique et financière et sur la situation sociale, une consultation récurrente ayant pour objet le partage avec le CSE de considérations long terme liées à la stratégie.
Cette consultation porte aussi sur d’autres éléments tels que les conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences….
Rapidement, deux questions sont apparues, tenant à l’articulation de cette consultation récurrente avec les consultations ponctuelles :
- doit-elle nécessairement précéder les consultations ponctuelles en lien avec la stratégie de l’entreprise ?
- peut-elle se substituer aux consultations portant sur les projets liés aux orientations qu’elle expose ?
1. La COS ne doit pas nécessairement précéder les consultations ponctuelles
1.1. L’absence de consultation préalable
D’abord une instrumentalisation de la COS qui a tenté les IRP !
Dans le dossier objet de l’arrêt du 21 septembre 2022 de la cour de cassation (n°20-23.660), un OGEC (organisme gestionnaire d’une école catholique) engage la consultation sur la fermeture d’un lycée professionnel quelques jours avant de lancer la consultation sur les orientations stratégiques.
Le CSE saisit le juge pour faire suspendre le projet jusqu’à l’achèvement de la COS. Et la Cour d’appel de Paris de lui donner raison au motif que le choix de l’OGEC est :
« la déclinaison concrète d’une orientation stratégique qui doit préalablement être soumise à la discussion du comité social et économique… »
L’arrêt fait droit au pourvoi de l’employeur par un attendu rédigé comme de principe :
« la consultation ponctuelle sur l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et de compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise »
Pour conforter le caractère de principe de cette décision, la cour de cassation a accompagné l’arrêt d’une notice, commentant sa décision et visant notamment le fait que la COS « par son objet et par sa temporalité…[a] été définie indépendamment des consultations ponctuelles … »
Pour les plus anciens, au nombre desquels je compte, le débat rappelle celui né de l’obligation de consulter le CE et de négocier avec les OS sur la GPEC. Il s’était posé dans les même termes, les TGI et cours d’appel avaient rendu, comme cela a été le cas ces dernières années pour la COS, des décisions contradictoires et la cour de cassation y apporte la même solution.
Solution de continuité qui doit être approuvée.
1.2. La consultation préalable « muette » ou « contradictoire »
La cour de cassation laisse des « angles morts » car le débat sur la combinaison COS / consultation récurrente connait une variante que ne tranche pas l’arrêt.
Il s’agit de la COS réalisée préalablement mais sans viser le projet objet de la consultation ponctuelle, ou même sa perspective ou l’orientation annonçant sa possibilité.
Nous parlons non plus d’absence de COS préalable mais de COS « muette » voire de COS contradictoire si des perspectives contraires au projet étaient envisagées.
Dans ces hypothèses, la notion chère au droit du travail de « loyauté » pourrait être mobilisée pour justifier la suspension ou sanctionner la COS qui serait alors qualifiée d’entrave.
Le pire n’est jamais certain mais ce qui l’est c’est que l’arrêt du 21 septembre 2022 ne doit pas détourner l’attention de la combinaison de la COS, et plus généralement des consultations récurrentes, avec les consultations ponctuelles, sujet que nous examinons très précisément avant l’engagement de tout projet d’envergure.
2. La COS ne peut se substituer aux consultations ponctuelles
Puis une utilisation de la COS qui a tenté les directions !
2.1. A projet ponctuel, consultation ponctuelle
La COS contient des orientations et il n’y a parfois qu’un pas de l’orientation au projet.
Lorsque la COS n’est pas muette sur le projet, sans être trop vague, l’employeur peut être tenté de considérer qu’elle « vaut consultation sur le projet ».
Il peut aussi décider d’inclure un projet particulier dans la COS et c’est ce qui a amené à la décision du TJ de Créteil du 24 juin 2022.
Au terme de 8 réunions du CSEC au titre de la COS dont une dédiée au projet « click & collect », la direction de la FNAC sollicite l’avis du CSE et entend ensuite décliner le projet.
Elle se heurte à l’action en référé du CSEC et d’organisations syndicales sollicitant la suspension du projet pour ne pas avoir été soumis à la consultation ponctuelle au titre de la marche générale de l’entreprise (article L 2312-8). Et le tribunal d’ordonner la suspension considérant que le « projet important » se distingue de la COS par son niveau d’analyse et de l’expert qui peut lui être associé.
Cette décision s’inscrit, par anticipation puisqu’elle est antérieure, dans la logique de l’indépendance des consultations affirmée par l’arrêt du 21 septembre 2022.
Si elle est incontestable lorsque l’employeur entend utiliser une COS très générale pour obvier une consultation ponctuelle, elle semble plus critiquable quand, comme en l’espèce, le projet est inséré officiellement et en tant que tel dans la COS.
2.2. La double consultation des CSEC et CSEE
Si les lois successives ont mis fin à la pratique devenue systématique d’une double consultation, restent des zones d’incertitude qu’illustre aussi cette décision.
L’article L 2316-1 dispose :
« Le comité social et économique central d’entreprise exerce les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement.
Il est seul consulté sur :
1º Les projets décidés au niveau de l’entreprise qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements. Dans ce cas, son avis accompagné des documents relatifs au projet est transmis, par tout moyen, aux comités sociaux et économiques d’établissement… »
En l’espèce, s’il n’est pas contestable que le projet a été décidé au niveau de l’entreprise, l’entreprise prétendait que la mise en œuvre ne comportait pas de mesures d’adaptation spécifiques, pour limiter la consultation au seul CSEC.
Le juge en décide autrement, retenant, à la suite de l’expert, que l’agencement des magasins et la taille des équipes imposent des mesures propres à chaque établissement et donc la consultation des CSEE.
L’employeur qui pensait donc en avoir fini des consultations au terme de la COS, se retrouve devoir consulter à nouveau le CSEC et tous les CSEE des établissements concernés…
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