Licenciement pour inaptitude consécutif à un refus d’une offre de reclassement
⚠️ ⚠️ ⚠️ La Cour de cassation vient de rendre une décision importante qui tranche avec la pratique antérieure en jugeant que le refus par le salarié déclaré inapte d’un poste proposé à titre de reclassement par l’employeur, dans les conditions prévues par la loi et prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans que l’employeur soit tenu de faire d’autres propositions de reclassement sans que l’employeur soit tenu de faire d’autres propositions de reclassement (Cass. Soc. 13 mars 2024, n°22-18.758, Publié).
Le licenciement pour inaptitude physique d’origine non professionnelle du salarié est souvent mal appréhendé par les juges du fond. Ainsi, au fils du temps, et même après l'entrée en vigueur de la loi du 08 août 2016, la jurisprudence considérait qu’en cas de refus d’une ou plusieurs offres de reclassement par le salarié, l’employeur devait reprendre ses recherches de postes de travail compatibles. L’arrêt du 13 mars 2024 pourrait mettre un terme à cette pratique, du moins lorsque la proposition de reclassement est loyalement présentée au salarié.
Rappelons que, sauf si l’avis d’inaptitude précise que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ou que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l’avis du médecin du travail concluant à une inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l’entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin, par la mise en œuvre de mesures telles qu’aménagements, adaptations ou transformations du poste de travail (art. L.1226-2 du code du travail).
Si le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, après avis du CSE s’il existe, l’employeur est tenu de lui proposer un autre emploi tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer d’autres tâches, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles de mutations, transformations de poste existants ou aménagement du temps de travail.
La jurisprudence considère que l’employeur se doit de formuler une offre sérieuse et précise de reclassement dans un emploi compatible avec les capacités réduites du salarié et conforme aux conclusions écrites du médecin du travail. Ce principe demeure toujours d'actualité.
Mais, jusqu'à présent, lorsque le salarié refusait le reclassement proposé par l’employeur, la jurisprudence considérait que c’était à ce dernier d’en tirer les conséquences, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l’intéressé. Si le salarié inapte refusait le reclassement, en raison d’une incompatibilité du poste avec les recommandations médicales, l’employeur devait alors solliciter l’avis du médecin du travail.
Depuis le 1er janvier 2017 (date d'entrée en vigueur de la loi du 08 août 2016), l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2 du code du travail en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (art. L.1226-2-1, alinéa 3, du code du travail).
La question s’est alors posée de savoir si le refus d’un tel poste pouvait suffire à motiver le licenciement pour inaptitude, sans que l’employeur ait besoin de rechercher et de proposer d’autres postes.
La Cour de cassation a d’abord répondu par la négative en rappelant que l’employeur était tenu, en cas de refus du salarié, de rechercher et de proposer d’autres postes de reclassement. Ce n’est que s’il pouvait justifier d’une impossibilité de proposer d’autres postes, qu’il pouvait licencier.
Autrement dit, le refus par le salarié d’un poste proposé par l’employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n’impliquait pas, à lui seul, le respect par celui-ci de cette obligation. Il était nécessaire que l’employeur justifie que les postes proposés étaient les seuls disponibles, conformes aux préconisations du médecin du travail et qu’il n’en disposait pas d’autres.
⚠️ ⚠️ ⚠️ Or, dans la décision précitée du 13 mars 2024, la Cour de cassation juge qu’il résulte des articles L.1226-2 et L.1226-2-1 du code du travail que « l’employeur peut licencier le salarié s’il justifie du refus, par celui-ci, d’un emploi proposé dans les conditions prévues à l’article L.1226-2 du code du travail, conforme aux préconisations du médecin du travail, de sorte que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite ».
Dans cette affaire, une salariée, employée commerciale, avait été déclarée inapte à son poste et à tout poste à temps complet, mais avec une possibilité de reclassement à mi-temps, sans station debout prolongée, ni manutention de charges. L’employeur avait proposé à la salariée un poste de caissière à mi-temps, avec maintien de son taux horaire. Sollicité par l’employeur, le médecin du travail avait donné son accord sur ce poste. Après consultation des représentants du personnel, l’employeur avait proposé ce poste à la salariée. Cette dernière avait refusé l’offre de reclassement en raison de la baisse de rémunération liée au mi-temps, puis avait contesté son licenciement.
Saisie de son recours, la cour d'appel de Reims a jugé que la salariée pouvait légitimement refuser le poste proposé car cette proposition, avec une réduction de la durée du temps de travail et un maintien du taux horaire, impliquait de facto une diminution substantielle de la rémunération de l’intéressée initialement engagée à temps complet. Autrement dit, la cour d’appel légitimait le refus au motif que le poste de reclassement générait une modification du contrat de travail de la salariée.
La Cour de cassation a censuré cette décision en jugeant que la cour d'appel ne pouvait juger que le licenciement était abusif alors que l’employeur avait proposé un poste conforme aux préconisations du médecin du travail et que la salariée l’avait refusé.
⚠️ ⚠️ ⚠️ A condition que la proposition de reclassement soit sérieuse et loyale, le refus par le salarié d’un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail peut suffire à démontrer que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement et le refus de ce poste peut justifier le licenciement de l’intéressé. Ce n’est donc pas la quantité d’offres de reclassement qui peut faire la différence mais la qualité de l’offre formulée. L’employeur devra systématiquement obtenir la validation du poste de reclassement par le médecin du travail.
Article rédigé par Maître Jean Baptiste TRAN MINH, avocat associé
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