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Justice prud’homale : il faut plaider en appel

Justice prud’homale : il faut plaider en appel

Author : Maître Christophe BIDAL
Published on : 16/01/2025 16 January Jan 01 2025

On se souvient que le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a fait basculer l’appel en procédure prud’homale, dans le champ de la procédure d’appel avec représentation obligatoire.

Le principe, consacré sous l’article R 1461-2 du Code du travail, impose depuis à l’appelant, en procédure prud’homale, d’interjeter appel et de l’instruire exclusivement par la représentation d’un avocat ou, par exception, d’un défenseur syndical.

Et l’instruction de l’appel selon les règles de la procédure avec représentation obligatoire entraîne l’application de l’article 954 du Code de procédure civile selon lequel la Cour d’appel ne statue que sur les moyens et les prétentions respectivement invoqués et énoncées sous les motifs et au dispositif des conclusions.

Bref, l’appel, en matière prud’homale, est depuis lors une procédure écrite.
A l’époque, le passage de la procédure sans représentation obligatoire à la procédure avec représentation obligatoire a été voulu et introduit par le pouvoir réglementaire avec l’objectif de diminuer les stocks de dossiers prud’homaux des Cours d’appel moyennant deux leviers :
  • d’une part, la complexification des règles procédurales pour limiter le nombre des appels interjetés
  • et d’autre part, une accélération judiciaire induite par l’application aux parties, c’est-à-dire leurs représentants, essentiellement les avocats, des délais, des diligences et des sanctions prévus par les règles de la procédure d’appel avec représentation obligatoire.
Rétrospectivement, l’objectif n’a pas été atteint d’abord, car les stocks des dossiers prud’homaux des Cours d’appel sont parmi les plus importants de la justice civile et ensuite, car les délais de traitement des dossiers prud’homaux en appel n’ont pas été réduits, au contraire.

En revanche, l’application à la justice prud’homale des règles de la procédure d’appel avec représentation obligatoire a provoqué un effet, qu’on peut raisonnablement estimer pervers, celui de déposer le dossier à l’audience sans plaider.

Le dépôt des dossiers (de plaidoirie contenant les conclusions et les pièces préalablement notifiées dans le cadre de la mise en état) est une pratique commune de la procédure avec représentation obligatoire, notamment pour ce qui est des dossiers simples.

Le dépôt des dossiers peut aussi bien être pratiqué d’usage, ainsi dans les juridictions d’Alsace-Moselle.
En procédure prud’homale, la pratique du dépôt des dossiers n’était pas prévisible.

La procédure prud’homale est de tradition orale et l’oralité de la procédure prud’homale, juridiquement et de fait, perdure fortement en première instance, c’est-à-dire devant le Conseil de prud’hommes, qu’on plaide à la barre des conseillers prud’hommes ou celle du magistrat départiteur.

A hauteur d’appel, l’oralité de la procédure prud’homale a perduré jusqu’à l’entrée en vigueur du décret du 20 mai 2016, lequel en a techniquement signé la fin.

Les débats voire les critiques des avocats travaillistes, provoqués par la réforme procédurale, laissaient toutefois à penser qu’on continuerait de plaider comme avant, en matière prud’homale, devant les Cours d’appel.

Il faut pour autant désormais bien reconnaître qu’en cause d’appel prud’homal, les avocats déposent de plus en plus leur dossier.


Si la pratique peut être comprise quand le dossier est simple et évident, elle doit toutefois n’être qu’exceptionnelle et doit même être réprouvée pour les raisons suivantes :
  • d’abord, les règles de la procédure d’appel avec représentation obligatoire, en l’occurrence celles posées par l’article 912 du Code de procédure civile, prévoient une fixation du dossier en audience de plaidoiries : plaider est donc de droit en procédure d’appel avec représentation obligatoire
  • ensuite, plaider le dossier, quand on est avocat, revient, indépendamment du plaisir – solitaire – de plaider, à mettre la touche finale au travail de mise en état diligenté dans l’intérêt du client : s’en dispenser est susceptible d’amener le client à s’interroger sur le dévouement de son conseil, de sorte que plaider est un devoir pour l’avocat
  • enfin, l’audience est le moment pendant lequel le dossier va être présenté au Juge, non en paraphrasant les conclusions, mais, par des observations portant sur les points essentiels de droit, de fait ou de qualification, pour construire une passerelle entre son client et la juridiction, en l’occurrence la Cour d’appel, l’aidant ainsi à apprécier la pertinence de la décision, de l’acte ou du comportement du justiciable défendu.
C’est spécialement vrai en droit du travail, considéré à raison par les magistrats comme une matière technique, donc opportunément sujette aux observations pédagogiques formulées à l’audience.
Cela peut être fait synthétiquement, intelligiblement et sans redondance.

Et les magistrats, dont les conseillers siégeant dans les chambres sociales de nos Cours d’appel, sont demandeurs de plaidoiries sur ce format.

Evidemment, il arrive parfois qu’on se présente à la barre d’un Président d’audience, à hauteur de Cour, insistant pour voir les dossiers déposés.

L’avocat d’expérience parviendra toutefois, en y mettant la forme convenant, à rappeler l’attention due par le Juge aux justiciables et obtiendra la plupart du temps sans difficulté du magistrat un temps de parole, à charge pour l’avocat de l’utiliser à bon escient.

Même un temps de parole limité peut parfois à lui seul faire basculer le dossier du côté du justiciable défendu : autant la prendre.

Il faut donc poursuivre, en procédure prud’homale, de plaider devant la Cour d’appel.


Article rédigé par Maître Christophe BIDAL,  Avocat Associée

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