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La procédure de recueil des alertes internes précisée par le Décret du 3 octobre 2022

La procédure de recueil des alertes internes précisée par le Décret du 3 octobre 2022

Published on : 03/11/2022 03 November Nov 11 2022

Depuis le 1er septembre 2022, date d’entrée en vigueur de la loi du 21 mars 2022 (n°2022-401), les entreprises d'au moins 50 salariés sont tenues de mettre en place une procédure de recueil et de traitement des alertes (et non plus une simple procédure de recueil). 

Depuis cette date, le lanceur d'alerte peut opter soit pour un signalement interne soit pour un signalement externe.

Le Décret 2022-1284 du 3 octobre 2022, applicable depuis le 5 octobre dernier, est venu préciser le contenu des procédures internes de recueil et de traitement des alertes professionnelles.

Quelles sont les entreprises concernées ?

Les personnes morales de droit privé et celles de droit public employant des personnels dans les conditions du droit privé sont tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des alertes professionnelles dès lors qu’elles emploient au moins 50 salariés.

Le Décret du 3 octobre dernier précise que ce seuil de 50 salariés s’apprécie « à la clôture de deux exercices consécutifs et est déterminé selon les modalités prévues au I de l’article L 130-1 du Code de la sécurité sociale ».

En d’autres termes, le décret renvoie à la notion « d’effectif salarié annuel de l’employeur »tel que prévu par le Code de la sécurité sociale, c’est-à-dire à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'exercice de l'année civile précédente.

Cet effectif est calculé par l'Urssaf à partir des informations contenues dans la DSN de l'entreprise.

Quelles sont les modalités de mise en place et de publicité de la procédure interne ?

Les entreprises ou organismes concernés sont tenus d'établir leur procédure interne de recueil et de traitement des signalements conformément aux règles qui régissent l'instrument juridique qu'ils adoptent, après consultation des instances de dialogue social.

Chaque entreprise concernée détermine l'instrument juridique le mieux à même de répondre à cette obligation (note interne, accord collectif...)

Bien évidemment, avant la mise en place de cet instrument juridique, il convient de consulter le Comité Social Economique.

Une fois mise en place, la procédure interne de recueil et de traitement des alertes internes doit être diffusée par tout moyen assurant une publicité suffisante (notification aux salariés par courrier/courriel, affichage, publication sur le site internet de l'entreprise…)

La diffusion doit s’effectuer dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente aux personnes mentionnées susceptibles de l'utiliser.

L'entreprise doit également mettre à disposition des informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement externe ouvertes aux salariés.

Que doit prévoir la procédure interne ?

Le recueil des alertes par le biais d'un canal de réception des alertes

La procédure interne doit instaurer un canal de réception des signalements permettant aux personnes autorisées à adresser un signalement interne par écrit ou par oral, selon ce que prévoit la procédure.

Les personnes autorisées à adresser un signalement en interne sont les salariés, anciens salariés et candidats à l'embauche ; les actionnaires, les associés et les titulaires de droits de vote au sein de l'assemblée générale ; les membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance ; les collaborateurs extérieurs ou occasionnels ; les cocontractants de l'entreprise concernée, leurs sous-traitants ou les membres du personnel et de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants .

Ce canal de réception permet de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement de faits relevant du domaine de l'alerte professionnelle qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l'entreprise concernée.

Si la procédure prévoit la possibilité d'adresser un signalement par oral, elle précise que ce signalement peut s'effectuer par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale et, sur demande de l'auteur du signalement et selon son choix, lors d'une visioconférence ou d'une rencontre physique organisée au plus tard 20 jours ouvrés après réception de la demande.

Le décret prévoit les modalités de consignation d'un signalement effectué oralement, en fonction de ce que prévoit la procédure interne :

  • lorsqu'il est recueilli, avec le consentement de son auteur, sur une ligne téléphonique enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale enregistré, le signalement est consigné soit en enregistrant la conversation sur un support durable et récupérable, soit en la transcrivant de manière intégrale ;
  • lorsqu'il est recueilli sur une ligne téléphonique non enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale non enregistré, un procès-verbal précis de la conversation est établi ;
  • lorsqu'il est recueilli dans le cadre d'une visioconférence ou d'une rencontre physique, il est établi, avec le consentement de son auteur, soit un enregistrement de la conversation sur un support durable et récupérable, soit un procès-verbal précis.

En toute hypothèse, l'auteur du signalement a la possibilité de vérifier, rectifier et approuver la transcription de la conversation ou le procès-verbal par l'apposition de sa signature.

 Les enregistrements, transcriptions et procès-verbaux ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu'ils visent et des tiers qu'ils mentionnent

Des garanties d’impartialité, de confidentialité et d’indépendance

La procédure interne de recueil et de traitement des alertes professionnelles doit :
  • indiquer la ou les personnes ou le ou les services désignés par l'entreprise pour recueillir et traiter les signalements.
Ces personnes ou services disposent, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l'autorité et des moyens suffisants à l'exercice de leurs missions ;
  • prévoir les garanties permettant l'exercice impartial de leurs missions ;
  • garantir l'intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l'identité de l'auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné ;
  • interdire l'accès à ces informations aux membres du personnel qui ne sont pas autorisés à en connaître ;
  • prévoir la transmission sans délai aux personnes ou services compétents des signalements reçus par d'autres personnes ou services.
Les informations recueillies dans le cadre d'un signalement interne ne peuvent être communiquées à des tiers que si cette communication est nécessaire pour traiter le signalement et dans le respect des dispositions du I de l'article 9 de la loi du 9 décembre 2016.

La procédure interne peut imposer à l'auteur du signalement (sauf s'il est anonyme), de transmettre tout élément justifiant de sa qualité de lanceur d'alerte interne au sens de l'article 8 de la loi Sapin II.

La procédure doit prévoir que l'auteur du signalement est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de 7 jours ouvrés à compter de cette réception.

Comment est traité le signalement ?

Lorsque le signalement relève du cadre de l'alerte interne, l'entreprise assure le traitement du signalement.

Sauf si le signalement est anonyme, l'employeur est tenu de vérifier que les conditions de l'exercice du droit d'alerte sont remplies : qualité et bonne foi de l'auteur, objet de l'alerte, absence de contrepartie directe à l'alerte

Par ailleurs, la procédure doit :

  • prévoir que l'auteur du signalement est informé des raisons pour lesquelles l'entreprise estime, le cas échéant, que son signalement ne respecte pas les conditions relatives à la protection des lanceurs d'alerte ;
  • préciser les suites données aux signalements qui ne respectent pas ces conditions, ainsi que les suites données aux signalements anonymes.

Si l'employeur estime que l'alerte concerne une entreprise appartenant au même groupe, il peut inviter le lanceur d'alerte à l'adresser également à cette dernière, où s'il estime que l'alerte serait traitée de manière plus efficace par cette autre entité, l'inviter à retirer le signalement et le diriger vers cette dernière.

Si les conditions de l'exercice du droit d'alerte sont remplies, l’entreprisse doit assurer son traitement.

Elle peut demander tout complément d'information au lanceur d'alerte afin d'évaluer l'exactitude de ses allégations et met alors en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l'objet du signalement.

L'employeur informe le lanceur d'alerte du traitement de son alerte dans un délai d'au plus trois mois à compter de l'avis de réception du signalement (ou, à défaut d'avis trois mois à l'issue d'une période de sept jours ouvrés suivant le signalement).

À cet effet, l'entreprise lui communique par écrit des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l'exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l'objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières.

Sur la possibilité d’externaliser la gestion des signalements ou de mutualiser le canal de réception et la gestion de celui-ci

La procédure interne peut prévoir que le canal de réception des signalements est géré pour son compte en externe par un tiers, qui peut être une personne physique ou une entité de droit privé ou publique dotée ou non de la personnalité morale, mais doit respecter les garanties d'impartialité, d’indépendance et de confidentialité évoquées précédemment.

Le Décret du 3 octobre 2022 dresse en annexe la liste des autorités compétentes en fonction du domaine de l'alerte, par exemple :
  • la DGT est désignée pour les alertes relatives aux relations individuelles et collectives du travail, conditions de travail ;
  • la DGEFP pour les alertes relatives à l'emploi et la formation professionnelle ;
  • la Cnil pour la protection de la vie privée et des données personnelles, la sécurité des réseaux et des systèmes d'information,
  • l’inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable (LGEDD) pour la protection de l’environnement,
  • l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour la radioprotection et la sûreté nucléaire,
  • le Défenseur des droits pour les signalement en matière de discriminations…

Les entreprises employant moins de 250 salariés peuvent prévoir, après décision concordante de leurs organes compétents, que le canal de réception des signalements et l'évaluation de l'exactitude des allégations formulées dans le signalement font l'objet de ressources partagées entre elles, sans préjudice des autres obligations qui leur incombent

Ce peut être notamment le cas lorsqu'elles appartiennent à un même groupe.

Nous nous tenons à votre disposition pour vous accompagner dans l’élaboration de vos procédures internes.

Article co-rédigé par Maître Christian Brochard et Madame Paola GIRARDIN, Juriste.

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