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De l’intérêt stratégique à contester le caractère professionnel d’un accident du travail

De l’intérêt stratégique à contester le caractère professionnel d’un accident du travail

Author : Maître Olivier GELLER
Published on : 06/03/2025 06 March Mar 03 2025

Par arrêt en date du 18 septembre 2024 (1), la Cour de Cassation a mis fin au principe d’autonomie du juge prud’homal, lorsqu’« un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie par une décision non remise en cause ».

En l’absence de contestation, la décision de la Caisse s’impose au juge prud’homal.

1°/ Cette décision impacte directement le contentieux de l’origine professionnelle de l’inaptitude.

En effet, chacun aura pu observer la multiplication des contentieux prud’homaux suite à la notification d’un licenciement pour inaptitude, puisqu’en effet, le salarié soutiendra :
  • que l’inaptitude a été provoquée par une faute antérieure de l’employeur, le licenciement pouvant dès lors être considéré comme abusif et générer l’octroi de dommages et intérêts ;
  • que l’inaptitude a une origine professionnelle avec, pour conséquence, l’allocation d’indemnités de rupture majorées, telle que définie par l’article L. 1226-14 du code du travail (2).
2°/ Le contentieux de l’origine professionnelle de l’inaptitude qui nous retient ici peut se décomposer en deux étapes :
  • tout d’abord, le juge prud’homal doit se prononcer sur le lien de causalité entre l’accident du travail ou la maladie professionnelle et l’inaptitude : il s’agit là d’une appréciation souveraine de données « médico-administratives », reposant sur une approche chronologique de la nature de la lésion et de son siège, de la continuité ou non des arrêts de travail subséquents et de la cause médicale de l’inaptitude, le tout sans entrer dans une expertise médicale au sens strict(3).
  • Ensuite, le juge prud’homal doit vérifier que l’employeur avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude, au moment de la rupture : il s’agit là d’une analyse plus juridique des éléments concrets du dossier dans le cadre de la déclaration de la lésion et de son suivi (4).
Lorsque le juge a pu vérifier le lien de causalité précité et la connaissance par l’employeur de la genèse de la situation, l’origine professionnelle de l’inaptitude est retenue.

3°/ Ce débat « habituel » pouvait être utilement « déplacé » en proposant une discussion juridique en amont, soit la contestation devant le juge prud’homal de l’existence même d’un accident ou d’une maladie professionnelle, au sens du droit de la sécurité sociale.

C’était ainsi le principe de l’autonomie du juge prud’homal, lequel n’était pas lié par les décisions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.

Ainsi, même en présence d’une décision de prise en charge par la Caisse, l’employeur pouvait contester la nature professionnelle d’un accident du travail, devant le juge prud’homal, en discutant notamment :
  • l’absence de lésion constatée à bref délai,
  • l’absence de fait soudain accidentel,
  • l’absence de témoin direct.

Le juge prud’homal pouvait in fine considérer qu’il n’y avait pas d’accident du travail au sens de la sécurité sociale, au contraire de la Caisse, avec pour conséquence, qu’il n’y avait plus à vérifier le lien entre l’inaptitude et l’accident du travail et la connaissance par l’employeur de la situation, le débat étant dès lors devenu sans objet.

4°/ C’est précisément ce moyen de défense qui est à présent « conditionné » par la Cour de Cassation, puisque la décision de la Caisse « non remise en cause », c’est-à-dire non contestée, s’impose dorénavant au juge prud’homal.

En d’autres termes, une décision de prise en charge non contestée devant les juridictions du droit de la sécurité sociale refermera le débat relatif à la matérialité de l’accident, débat « mort-né » devant le juge prud’homal et privera l’employeur d’un moyen de défense.

Plus que jamais, le contentieux de la sécurité sociale et le contentieux prud’homal demeurent liés et interagissent entre eux, de sorte que la stratégie défensive doit être « globale », puisque l’absence de contestation d’une décision de prise en charge d’un accident du travail aura un impact direct sur le contentieux en germe prud’homal, en contestation de l’inaptitude devant le juge prud’homal.

Finalement, contester une décision de prise en charge présente deux intérêts :
  • discuter naturellement les incidences financières,
  • conserver des moyens de défense efficaces en cas de contentieux prud’homal, voire en cas de faute inexcusable (5).
  1. Arrêt Cour de Cassation, 18 septembre 2024, n° 22-22.782, F-B
  2. Versement de l’indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité spéciale de licenciement (indemnité de licenciement doublée ou indemnité conventionnelle, si plus favorable)
  3. Il peut néanmoins être utile, à titre de défense, de produire les analyses de médecins experts, après communication du dossier médical dans le cadre du contentieux de l’incapacité
  4. La connaissance du caractère professionnel peut être « déduite » des circonstances de la cause : l’accident du travail est survenu dans des conditions de « notoriété » (intervention pompiers, hospitalisation)/aucune reprise du travail/aucune cause étrangère à l’arrêt/arrêt de travail indemnisé AT/MP)
  5. Contestation de l’action récursoire de la Caisse
Article rédigé par Maître Olivier GELLER, Avocat Associé

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