La clé USB personnelle d’un salarié : un moyen de preuve recevable ?
Les outils professionnels mis à disposition du salarié sont présumés professionnels. L’employeur peut les consulter hors la présence du salarié sauf si ce dernier les a expressément signalés comme étant personnels.
En revanche, lorsque l’outil est personnel au salarié, l’employeur n’est pas autorisé à en prendre connaissance.
La Cour de cassation a toutefois jugé que les documents détenus par le salarié dans son bureau avaient un caractère professionnel à moins que ces documents soient identifiés comme personnels (Cass. Soc. 18 octobre 2006 n°04-47.400).
Qu’en est-il de la clé USB appartenant à un salarié ?
La Cour de cassation a déjà jugé qu’une clé USB connectée à l’ordinateur de la société était présumée être utilisée à des fins professionnelles, de sorte que l’employeur pouvait librement en prendre connaissance (Cass. Soc. 12 février 2013 n°11-28.649).
La même solution est-elle transposable pour une clé USB non connectée au matériel informatique de l’entreprise ?
La Cour de cassation a été amenée à répondre à cette question dans un arrêt du 25 septembre 2024 (Cass. Soc. 25 septembre 2024 n°23-13.992).
En l’espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave pour avoir copié des fichiers sensibles et stratégiques de l’entreprise sur ses clés USB personnelles, notamment des procédés de fabrication auxquels son poste de travail ne lui donnait pas accès.
La production de la clé USB était donc indispensable pour prouver la faute grave commise par la salariée.
La salariée contestait le bien-fondé de son licenciement en arguant de l’illicéité de la preuve provenant du contenu de ses clés USB personnelles non connectées à l’ordinateur et servant de fondement à son licenciement pour faute grave.
La Cour d’Appel de Lyon, dans un arrêt rendu le 25 janvier 2023 (n°19/06601), a débouté la salariée de ses demandes en retenant que les clés USB consultées par l’employeur « ne pouvaient pas en elles-mêmes être identifiées comme étant des clés personnelles », de sorte qu’elles ne constituaient pas un moyen de preuve illicite.
La Cour de cassation ne s’est pas alignée sur cette position et a reconnu l’illicéité de ce mode de preuve considérant que la consultation du contenu de ces clés personnelles non connectées à l’ordinateur professionnel, hors la présence du salarié, constituait une atteinte à la vie privée du salarié.
Cependant, dans la lignée des arrêts rendus en décembre 2023 sur l’admission en justice des preuves déloyales et illicites, la Cour de cassation a admis la recevabilité de ce mode de preuve illicite au regard du droit à la preuve en faisant application de son contrôle de proportionnalité.
La Cour de cassation avait déjà rappelé les trois étapes de ce contrôle consistant à :
- Vérifier la légitimité du contrôle opéré par l’employeur ;
- Rechercher si l’employeur n’aurait pas pu obtenir le résultat d’une manière plus respectueuse des droits du salarié et in fine si le moyen de preuve est « indispensable ».
- Enfin, apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié au regard du but poursuivi.
En l’espèce, la Cour de cassation a donc retenu que le contrôle opéré par l’employeur était légitime pour protéger le secret d’affaires et qu’il se justifiait dans la mesure où plusieurs témoignages de collègues attestaient avoir vu la salariée imprimer des documents à partir de l’ordinateur d’une collègue absente puis ranger les documents dans un sac plastique.
En outre, les données contenues sur ces clés ont été extraites en présence d’un expert, commissaire de justice et seules les données professionnelles contenues sur ces clés ont été transmises à l’employeur puis produites en justice, les données personnelles ayant été supprimées des clés. L’atteinte à la vie privée de la salariée était donc strictement proportionnée au respect du droit à la preuve.
La Cour de cassation en déduit que la production de ce moyen de preuve était indispensable sans en justifier les raisons alors que la preuve aurait (peut-être) pu être recueillie par d’autres moyens car la salariée stockait également des fichiers imprimés depuis le poste de travail d’une autre collègue dans des sacs en plastique sous son bureau et dans une armoire métallique fermée dans son bureau.
Cet arrêt est une nouvelle illustration de l’exception de recevabilité d’une preuve illicite.
La Cour de cassation a adopté une approche pragmatique visant à protéger le secret des affaires. Elle révèle toutefois une certaine fragilisation du droit à la vie privée au profit du droit à la preuve car les juges tendent à admettre, plus ou moins facilement, l’admission des preuves illicites ou déloyales.
Reste à savoir si cette insécurité juridique va perdurer…
Il faut toutefois rester vigilants dans la production des modes de preuve car si le moyen de preuve est écarté cela peut fragiliser votre licenciement et le rendre abusif.
N’hésitez pas à nous consulter en amont afin de définir ensemble une stratégie permettant d’éviter ces risques !
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