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L’action en discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière : les possibles moyens de défense de l’employeur

L’action en discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière : les possibles moyens de défense de l’employeur

Published on : 12/05/2022 12 May May 05 2022

Un salarié qui se dit victime de discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière utilise généralement la méthode de comparaison avec un « panel » de collègues de travail.

Elle lui permet de mettre en perspective le traitement défavorable qu’il allègue et d’évaluer (et chiffrer) ses préjudices.

Lorsqu’une telle action est menée à l’encontre d’un employeur, celui-ci n’est pas démuni.

Il dispose de moyens de défense qui peuvent s’exprimer :

  • Lorsque le salarié sollicite, ab initio, la condamnation de son employeur à lui remettre tous documents permettant de comparer sa situation avec celle d’autres salariés (1) ;
  • Au fond, à un triple point de vue : sur la notion même de discrimination (2), sur la constitution du « panel » de comparaison (3) et sur l’évaluation/chiffrage des préjudices (4).

1/ Le régime probatoire en matière de discrimination (cf. article L. 1134-1 du code du travail) n’exclut pas l’opportunité pour le salarié de solliciter une mesure d’instruction (au stade de la conciliation ou en application de l’article 145 du code de procédure civile) en vue de faire valoir ses droits.

Concrètement, il s’agit pour lui de demander que son employeur soit judiciairement contraint de lui communiquer des éléments dont il ne dispose pas a priori (contrats de travail et bulletins de salaire de collègues de travail), lui permettant ainsi de nourrir son « panel » de comparaison[1].

Toutefois, le juge saisi d’une telle demande peut être invité à rechercher si la communication sollicitée est (réellement) nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et si elle n’est pas de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés[2].

En effet, comme le souligne la Cour de cassation, « la réalisation de la justice n’impose pas au justiciable de procéder à toutes les révélations » et le juge doit « s’attacher (…) à vérifier que, pour faire apparaître la vérité, les procédés employés ont été respectueux des droits des justiciables »[3].

2/ L’expérience montre que, parfois, la notion de discrimination est évoquée à tort.

Selon le Petit Robert, la discrimination est le « fait de séparer un groupe humain des autres en le traitant plus mal ».

De quelle manière un salarié peut-il alors être « plus mal traité » en raison de ses activités syndicales, s’agissant du déroulement de sa carrière ?

La réponse est donnée par le Législateur à l’article L. 2141-5 du code du travail qui interdit à l’employeur de prendre en considération « l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions » en matière, notamment, de « rémunération ».

L’occasion est ici donnée de préciser que « toutes les inégalités [n’étant] pas illégales, elles ne sont donc pas toutes des discriminations. En revanche, toute discrimination constitue une forme d’inégalité »[4].

La discrimination vise (exclusivement) à défavoriser une personne pour des motifs interdits par loi (on parle de « motifs discriminatoires prohibés » exhaustivement énoncés à l’article L. 1132-1, dont fait partie la prise en compte des « activités syndicales » ou « l’exercice d’un mandat électif »).

Le juge doit être en mesure de s’assurer que le litige dont il est saisi concerne une « véritable » discrimination (dans son acception juridique).

3/ En matière de rémunération, la méthode traditionnellement utilisée par le salarié se considérant victime d’une discrimination syndicale est donc celle de la comparaison avec un « échantillon » de collègues de travail.

Dans le cadre du déroulement d’une carrière, cette comparaison est effectuée dans le temps.

Sur ce point, la position de la Cour de cassation est la suivante : « la comparaison concernant le déroulement de carrière doit être faite avec d’autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification et à une date voisine »[5].

L’employeur est donc en droit non seulement de vérifier la pertinence du « panel » constitué par le salarié, voire, le cas échéant, d’élaborer le sien, et ce, afin d’expliquer que ce dernier n’a connu aucun traitement anormal dans sa carrière.

4/ Une organisation syndicale a mis en place une méthode « Clerc », retenue par certaines juridictions[6], qui consiste, en synthèse, une fois le panel de comparaison constitué, à établir un graphique présentant en abscisse les années et en ordonnée les montants des rémunérations perçues par les salariés retenus dans le cadre dudit panel.

La discrimination est alors caractérisée par l’écart entre le niveau de rémunération de ces salariés et celui de la victime.

Quant au montant de l’indemnité réparant le préjudice subi, il est calculé en fonction de l’écart entre la moyenne des rémunérations des salariés du panel et celle du salarié discriminé, divisé par 2, puis multiplié par le nombre de mois commençant à courir à compter de l’apparition du « motif discriminatoire prohibé. »

Il est encore ajouté, empiriquement, à ce montant un taux de 30 % censé réparer le « préjudice de retraite ».

Cette méthode n’est, toutefois, pas satisfaisante dès lors, entre autres, qu’elle élude le fait que la réparation envisagée devrait être davantage un différentiel de rémunération que des dommages et intérêts « punitifs »[7] (en dehors, bien entendu, du préjudice moral).

C’est à la mesure de ces moyens de défense que l’on pourra, le cas échéant, « séparer le bon grain de l’ivraie », de telle sorte que celles et ceux qui ont subi une véritable discrimination syndicale puissent voir réparés l’intégralité de leurs préjudices.
 

[1] Cass. Soc. 19 déc. 2012 n° 10-20.526.
[2] Cass. Soc. 22 sept. 2021 n° 19-26.144.
[3] Rapport annuel de 2012.
[4] Observatoire des inégalités. Questions clés : « quelle est la différence entre inégalité et discrimination ? », 15 février 2021.
[5] Cass. Soc. 24 oct. 2012 n° 11-12.295 ; Cass. Soc. 7 nov. 2018 n° 16-20.759.
[6] CA Versailles 19 déc. 2019 n° 18/03801.
[7] Editions Francis Lefebvre – Chronique « quelle réparation pour la discrimination au travail ? »

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